Son nom ne vous dira rien. En d’autre temps, elle aurait pu devenir une brillante concertiste. Peut-être l’égale de Mstsislaw Rostropovitch, ou de Gregor Piatigorsky !

L’amour ou les guerres en ont décidé autrement.

Elle se marie. Sa seule dot est un violoncelle d’une facture extraordinaire. Je ne pourrais vous dire le nom du luthier : Lacôté ? Stradivari ?, Guarneri ? , Amati ? Qui qu’il eût été, c’était l’un des plus grands.

Sept enfants sont nés.

La mort brutale de son mari la frappe comme un coup de tonnerre dans un ciel serein la laissant seule avec sept enfants dont la dernière avait à peine 5 ans.
Finis les rêves de musique ! Elle doit vendre son cher instrument.

Et puis … L’âge vint. Et avec l’âge, la maladie.

Les médecins font comprendre aux enfants, unis comme peu de familles peuvent l’être, que le pire est proche.
Ceux-ci se mettent, alors, en quête de l’acheteur du violoncelle de leur mère : Ils n’eurent pas de mal à le retrouver. Celui-ci accepte de venir jouer devant leur mère, alors bien diminuée par la maladie. Un concert est organisé en présence, également, du meilleur organiste de la place. La date est fixée.

Le mal n’attend pas. Il progresse, et bientôt, avant la date fixée pour cette ultime joie, la patiente est hospitalisée dans une maison de soins palliatifs, une maison où soignants et bénévoles apportent soins, douceur et tendresse.

Or, parmi les bénévoles, Sarah1…, Sarah, violoncelliste de talent. On la sollicite pour venir jouer dans la chambre de la vieille dame.

Dès le lendemain, elle arrive avec son instrument. Trop tard : La vieille dame s’est éteinte au petit matin.

Alors, dans le salon de la maison, Sarah sort son violoncelle de son étui et se met à jouer.

En l’entendant, les enfants, qui veillaient auprès de leur mère, la rejoignent, émus.

Ils écoutent un long moment, émerveillés, et lui demandent de venir jouer dans la chambre de leur mère.

Devant le lit, entourée des enfants, Sarah joue « Le voyage » (El Viaje) d’Astor Piazzolla.

La musique opère … Les larmes coulent à flot, se tarissent petit à petit et les visages retrouvent progressivement la paix, la sérénité et même, osons le dire, une certaine joie.

« Si la légende est plus belle que la réalité, alors, publiez la légende »
John Wayne, dans « l’homme qui tua Liberty Valance », John Ford, 1959

Nantes, le 25 avril 2022

1 Le prénom a été changé

Sarah, violoncelliste