
Témoignage touchant de la fin de vie de Mme P., accueillie récemment dans la Maison
Elle n’a pas l’envie particulière de prier : « Je fais à ma manière ! » mais « vous pourriez me trouver une médaille miraculeuse car j’aime beaucoup Marie ! ». Ce sera donc la mission du jour mais rien de cela dans mes réserves !
En partageant son désir avec les bénévoles d’accompagnement, l’un deux s’exclame : « J’en ai une à la maison, je la rapporte pour elle ! »
Cette médaille sera ensuite donnée à l’équipe soignante et transmise : Mme P. est ravie !
Lorsque je reviens la voir, sa demande portera cette fois sur une statue de Marie « car c’est quand même plus facile de lui parler à elle qu’à Dieu ! ».
Encore une fois, j’en parle avec les bénévoles d’accompagnement qui me mettent à disposition une grande statue dorée qui « dormait » dans notre placard. Mme P. me la fait poser face à son lit, à côté du bouquet d’accueil confectionné par les bénévoles d’accompagnement, « pour pouvoir la voir tout le temps ».
Dans les semaines qui suivent ce sera des rencontres avec différents bénévoles dans le couloir ou dehors car elle est très entourée. Malgré le froid et la pluie, elle aime dès que possible aller dehors avec ses visiteurs pour fumer.
Des bonjours, des petits échanges « c’est Gwenn, mon aumônière » dit- elle à chaque fois à famille et amies : on parle de la pluie et du beau temps mais guère de demande pour autre chose, sauf avec une des bénévoles avec laquelle il y a quelques beaux temps d’échanges.
Voyant sa soif de se confier à Marie, nous lui proposons un jour la messe: « Je voudrais bien …mais en fait ce sera non, je ne suis pas en forme. »
Même proposition le mois suivant: Malgré sa réponse enthousiaste et la proposition de son fils de l’accompagner, elle fait un malaise le matin même et est trop angoissée d’aller dans la chapelle avec d’autres sur un temps long.
Une autre fois, je lui propose de venir juste pour visiter la chapelle : nouvel enthousiasme, cela lui convient, même si sa sœur qui était présente comprend son réel désir : « Elle aurait bien aimé pouvoir allumer des cierges au pied de la vierge ».
Quand je reviens la chercher pour cette visite particulière, la fatigue et la douleur se sont invitées et ce sera de nouveau non.
Le lundi, je reviens parler avec elle et sa sœur du soleil enfin retrouvé. Nous nous réjouissons qu’elle soit si bien entourée par sa famille et que le temps se fasse plus clément pour en profiter.
– Est-ce aujourd’hui un bon jour pour vous emmener visiter la chapelle ?
Mais ce sera non, elle n’est pas en forme et préfère rester là, tranquille.
Le mardi, je suis appelée en urgence par l’un des médecins :
« Elle est en train de partir, sa fille demande la venue d’un prêtre pour prier avec elle, peux-tu aller la voir ? »
Je m’y rends aussitôt et les soignantes présentes m’accueillent pour me passer le relais : « On te laisse avec elles, merci d’être venue si vite »…
Sa fille est assise d’un côté du lit, et pleure en caressant le visage de sa mère: « Elle me reconnaît », dit-elle soulagée, elle parle à sa mère, me parle… Elle voudrait « les prières pour aider sa mère ».
Seul son souffle par moment vient nous dire qu’elle est encore avec nous. Je m’assoie de l’autre côté du lit et pose ma main sur celle de Mme P.
Je commence à prier, m’interrompant pour laisser sa fille lui parler, me confier des choses sur sa maman… Je reprends ses mots pour dire du bien de sa mère, la bénie, la confie à Dieu, à Marie qu’elle aimait tant … Son souffle se fait de plus en plus rare et sa fille pleure à gros sanglots, blottie contre elle. Je pose ma main sur son épaule et lui propose de chanter des « Je vous salue Marie » à sa maman. Elle acquiesce.
Je chante doucement, deux fois. Dans le silence revenu, sa respiration n’est plus…
– Elle n’est plus là ?
– Je pense que vous avez raison …
Je laisse le chagrin exploser, les sanglots tout emporter, les mots crier son inquiétude et sa tristesse, ma main toujours sur son épaule jusqu’à ce que la tempête s’apaise et qu’elle se tourne vers moi : « il faut que je prévienne la famille… »
Ces derniers arrivent tous très rapidement et nous rejoignent dehors tandis que les soignants font le nécessaire pour que la famille puisse venir visiter Mme P.
Sa fille leur dit : « L’aumônier a fait les prières, la bénédiction, les chants, elle a tout eu pour partir, et puis c’était fini, elle est morte dans mes bras ».
Je me permets de compléter, face à leur détresse : « Elle est partie apaisée, très calme et avec vous, elle sentait votre présence, elle savait que vous étiez là… »
Sa fille me demande entre 2 sanglots :
– Je pourrai garder la statue de Marie que vous avez passé à maman ?
– C’est important pour vous ?
– Oui, parce que c’était très important pour Maman.
– Alors, oui, bien sûr !
Nous apprendrons que Mme P a été enterrée dans le carré des indigents : pas d’argent, pas de cérémonie, pas de lieu où se recueillir que ce lieu commun …
Restera pour sa fille cette statue, trace de ce passage ici, de ces moments passés auprès d’elle par sa famille, ces moments heureux : « On est bien comme ça ! » disait-elle …
Et du soutien de Marie mais aussi de tous ceux qui font vivre cette maison et permettent chacun à leur façon que se vivent des fins apaisées comme celle-ci, accompagnées jusqu’au bout …
Gwenn , aumônier Maison de Nicodème- HSTV
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